Loi du 22
juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche (art. 86)
Déposée en
février par la sénatrice (PS) Dominique Gillot, la proposition de loi relative à l’attractivité universitaire
de la France avait été accueillie favorablement par les étudiants
étrangers et les acteurs de l’enseignement supérieur. L’idée initiale était de
la faire discuter rapidement au Sénat dans une fenêtre parlementaire. Mais elle
a été très vite enterrée au profit d’un débat sans vote au Parlement sur
« l’immigration étudiante et professionnelle », à l’initiative du
ministre de l’intérieur en coopération avec le ministère des affaires
étrangères et le ministère de l’enseignement supérieur qui a eu lieu au Sénat le 24 avril 2013 (compte-rendu analytique) et à l’Assemblée
nationale le 13 juin 2013 (compte-rendu provisoire).
Ce
« débat sur l’immigration étudiante et professionnelle » devait
déboucher à terme sur un projet de loi pour lequel aucune date n’a été jusqu’à
ce jour été annoncée. Les sénateurs ont donc saisi l’occasion du débat sur le
projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche pour
introduire dans le texte quelques-unes des dispositions qui figuraient dans la
proposition de loi relative à l’attractivité universitaire. Il s’agissait
principalement de :
- la généralisation de titres de séjour pluriannuels qui peuvent être délivrés, au moment du renouvellement de leur titre de séjour (article L. 313-4 du Ceseda) ;
- l’extension aux licences de la procédure spécifique de changement du statut d’étudiant à celui de salarié actuellement prévue pour les titulaires d’un master 2 pour un emploi en relation avec sa formation avec un salaire d’au moins un Smic et demi. Cette procédure, baptisée « procédure APS », prévoit notamment une éventuelle passerelle de six mois postérieure aux études pendant laquelle l’étudiant concerné bénéficie d’une autorisation provisoire de séjour (APS) pour chercher un emploi de ce type (article L. 311-11 du Ceseda - voir la Note pratique du Gisti) ;
- l’obtention pour tous les docteurs étrangers d’un titre de séjour « compétences et talents » de plein droit.
À l’issue de
la discussion parlementaire et de la commission mixte paritaire, une partie
seulement de ces quelques avancées ont été maintenues, à savoir :
- la possibilité pour les étudiants étrangers de grade master d’obtenir un titre de séjour pluriannuel dès leur première année de séjour ;
- s’agissant des changements de statut sous « procédure APS », extension de la durée de l’APS de six mois à douze mois, de suppression de la mention du « retour au pays d’origine » ;
- la possibilité de changer d’employeur et d’emploi au cours de la première année sans se voir opposer la situation de l’emploi.
La petite
« fronde » du parlement - et du Sénat en particulier – traduit bien
la différence de logique entre les acteurs de l’enseignement supérieur, d’un
côté, le ministère de l’intérieur – dont la méthode de travail reste marquée
par la volonté de « contrôle des flux migratoires », de l’autre.
En effet, le vote de ces dispositions semble résulter, surtout, de la volonté des sénateurs de faire adopter de manière rapide des avancées pour les étudiants étrangers, nonobstant la volonté du ministre de l’intérieur de faire du débat sur l’immigration étudiante et professionnelle le cadre unique de discussion de la politique d’accueil des étudiants étrangers. Celui-ci a, de plus, pris du retard.
Ainsi, au cours de la séance de la commission mixte paritaire a, Marie-Christine Blandin, présidente de la Commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, avait elle adopté une position univoque :
« Avant cette réunion, on m’a demandé de reculer sur ce sujet : j’ai refusé. Le ministre aura toute latitude de rédiger à nouveau ce que nous allons voter. En conséquence, rien ne fait obstacle à ce que nous votions sur ce sujet ».
De son côté, le sénateur David Assouline estimait qu’« une grande loi a
certes été annoncée, mais aucune date n’a été donnée », faisant ainsi
part de son insatisfaction concernant la méthode du ministre de l’intérieur et
ses lenteurs. La tentative du ministère de l’intérieur de « mettre au
pas » le Parlement et de s’assurer le monopole de la définition des
politiques d’accueil des étudiants étrangers semble, cette fois-ci, avoir buté
sur la détermination des sénateurs à faire adopter des avancées en la matière.
Le grand débat sur l’« immigration professionnelle et étudiante » s’est d’ailleurs, à ce stade, résumé à une discussion de pure forme, ne débouchant sur aucune annonce concrète.
Reste que
les avancées votées dans la cadre de la loi relative à l’enseignement supérieur
et à la recherche, visant à parer au plus pressé en vue de la rentrée
universitaire, restent largement en retrait des ambitions de la proposition de
loi « Gillot » et ne font au final qu’aménager des dispositifs
adoptés en... 2006 ! Le changement, en matière d’accueil des étudiants
étrangers, ne semble pas encore à l’ordre du jour...
Texte issu du Gisti.
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